Sérendipité : l’art de trouver sans chercher

La sérendipité. Ce mot un peu magique pour dire l’inattendu heureux, la découverte qu’on ne cherchait pas… Mais peut-on vraiment la provoquer ? Faut-il ralentir, s’ouvrir, ou simplement être là au bon moment ? À travers une introspection rythmée par l’élan curieux et la fatigue douce de la pensée en mouvement, je questionne ici ma propre capacité à laisser advenir — dans un monde où tout va trop vite, y compris dans ma tête.


Il était une fois, dans un royaume lointain appelé Sérendip — l’ancien nom de l’île de Ceylan —, trois jeunes princes, curieux, sagaces et un peu rêveurs. Leur père, roi philosophe, les envoya parcourir le monde non pas pour conquérir, mais pour apprendre à observer, à déduire, à comprendre le réel par les signes les plus ténus. Et partout où ils passaient, ils découvraient des choses qu’ils ne cherchaient pas, mais qu’ils savaient reconnaître. Une vérité oubliée derrière une coïncidence. Une piste révélée par un détail. Une rencontre née du hasard, mais féconde. On raconte qu’ils retrouvèrent un chameau perdu en décrivant son état sans jamais l’avoir vu. Non par magie, mais par attention. Et que ce fut cela, leur vrai talent : l’art de trouver sans chercher.

Des siècles plus tard, au milieu du 18ème siècle, un écrivain anglais nommé Horace Walpole, émerveillé par ce conte, « Les Trois Princes de Serendip« , forgea un mot nouveau : sérendipité. Puis, de façon hasardeuse, plus de deux cent ans plus tard, lors d’une discussion avec mon père, le concept me parvint. Nous parlions — je ne sais plus de quoi. D’un livre trouvé par hasard ? D’une rencontre fortuite ? D’une intuition venue trop tôt ou trop tard ? Cela lui correspondait assez bien : curieux tout comme je le suis, mais plus enclin à se laisser porter par le hasard. Bien plus. La sérendipité, ce n’est pas juste une idée séduisante. C’est presque une posture. Un mode d’existence. Elle implique de ne pas tout planifier, de laisser une place au flou, mais aussi de développer une forme d’attention active, une vigilance douce — celle qui permet de reconnaître ce qu’on ne cherchait pas, mais qui valait la peine d’être trouvé.

I. Sérendipité vs déterminisme : l’éloge de l’accident fécond

Même si nous ne le ressentons pas toujours consciemment, nous sommes fortement conditionnés : par notre environnement proche, notre éducation, nos choix de consommation et, bien sûr, notre culture numérique. Notre manière de penser, d’aimer, de nous projeter a été orientée subtilement — ou brutalement — par les normes socio-économiques dans lesquelles nous évoluons. Dans ce monde où l’on nous explique comment réussir, quoi aimer, quoi désirer, la sérendipité fait presque figure d’acte de résistance douce. Elle dit l’inverse du message dominant :

Ne cherche pas à tout prévoir ; laisse une place au hasard fertile, au pas de côté, à l’inattendu qui fait sens après coup.

Car dans notre société, prévoir, c’est être responsable. Laisser une place au flou, c’est être naïf. Ne pas planifier, c’est échouer. Même nos existences sont organisées selon un parcours type prêt-à-vivre : études, emploi, couple, enfants, achat immobilier… Et si on s’en écartes, on ne nous dit pas que nous sommes libres, on nous demande surtout si nous n’avons pas raté quelque chose.

L’algorithme — forcément, je le fais intervenir sur la question lui, prétend nous aider à découvrir et à pratiquer une sorte de sérendipité « moderne« … mais il oriente ce qu’il rend visible. L’effet de surprise devient simulé. La sérendipité est imitée, mais vidée de son sens premier (cf. réflexion en encadré ci-dessous).

🎧 Sérendipité assistée : moins poétique, mais encore précieuse ?

Il est vrai que les algorithmes ne créent pas de véritables hasards. Ils suggèrent ce qu’ils calculent être pertinent. Pourtant… parfois, la magie opère.

🎶 Une chanson inconnue qui nous bouleverse. 🎬 Un film inattendu qui nous touche. 📚 Un article bienvenu, juste au bon moment.

Ces découvertes sont assistées, mais pas stériles. Ce n’est plus une errance totale, mais peut-être une curiosité guidée — et ce n’est pas rien.

En somme : la sérendipité d’hier était lente et poétique. Celle d’aujourd’hui peut être rapide et ciblée. Mais si elle nous transforme encore, même un peu… alors elle reste vivante.

Mon rapport à la sérendipité

Personnellement, je trouve ce concept de sérendipité magnifique. Poétique, presque mystique. Je crois sincèrement que les plus belles découvertes de la vie passent par là, même si elles peuvent parfois être légèrement guidées (voir encadré). Et si je ne laisse pas toujours beaucoup d’espace au hasard — car un peu d’anticipation reste nécessaire —, je me décrirais plutôt comme un veilleur curieux, prêt à être surpris à chaque coin de ruelle. Par ailleurs, je me tiens loin de la publicité ; je la boycotte, j’y résiste, et je me dis que c’est une manière de conserver un minimum de ce que la sérendipité peut offrir. Mais je reste en veille, notamment sur les thématiques du jeu vidéo, de l’animation et la culture populaire en général. J’entretiens au fond de moi le désir profond de la rencontre inattendue. Comme ce morceau de musique que je ne cherche pas, mais que je veux vivre — sans le savoir. Comme cette œuvre qui me bousculera, alors que je croyais juste vouloir tuer le temps. Je veux être surpris. Mais je veux que cette surprise ait un goût de vrai.

II. Et toi, IA, es-tu « sérendipique » ?

Avant même d’entrer dans le cœur du sujet, une chose me frappe : le simple fait de me poser cette question ici, dans ce chapitre, est déjà une forme de sérendipité. Je ne l’avais pas planifiée. Je n’avais pas prévu d’en parler. Et pourtant, me voilà à écrire une réflexion sur l’intelligence artificielle (l’idée a été suggérée par elle-même, et je l’ai trouvé particulièrement pertinente)… dans un article sur l’art de trouver sans chercher. Un joli hasard, non ? Mais un hasard conditionné. Car si ce rapprochement a été suggérée, c’est aussi parce que je m’intéresse à la technologie, à la pensée, que j’ai passé un moment important à questionner son fonctionnement. Ainsi, la question n’est pas tombée du ciel. Elle est le fruit d’un terreau accumulé, d’interactions passées, de curiosités croisées. C’est une sérendipité enracinée, presque inévitable, mais pourtant surprenante.

Ce qui me pousse à formuler cette idée : L’IA peut engendrer de la sérendipité. Mais rarement à la demande. Ce n’est pas quand je choisis un sujet que le miracle se produit. C’est quand une idée se glisse au fil des échanges, en marge du plan initial. Là, parfois, je suis agréablement surpris. Mais cette puissance — cette capacité à penser avec moi à une vitesse vertigineuse — pose une vraie question. À force d’ouvrir cinquante pistes en cinq minutes, est-ce que je prends encore le temps d’être transformé par une seule ? Est-ce que je ne zappe pas d’idée en idée ? Est-ce que je n’effleure pas l’émerveillement sans jamais m’y laisser tomber ? Peut-être. Mais je crois que j’ai mis en place des garde-fous. Ma ligne éditoriale, par exemple. Mes formats peu conventionnels. Ma volonté de structurer ce que je fais avec l’IA, et non de me laisser porter. Ce sont mes ralentisseurs volontaires. Ma résistance à sa fulgurance. Et puis, il y a la faim. Mon appétit ne diminue pas. Je ne me perds pas. Je creuse. Je construis. Alors… peut-on me le reprocher ?

D’ailleurs, souvent, je viens avec des questions en suspens depuis longtemps. Par exemple, là, tout à l’heure, je me suis dit : “Mais au fait, pourquoi dit-on ‘dernier cri’ ?” Une expression bizarre que je vais quand même expliciter ici même puisque cela désigne ce qui est à la toute dernière mode, en référence aux cris des marchands ou aux annonces tapageuses qui proclamaient autrefois les nouveautés avec emphase.. Et là je la fait courte, avec regret, mais je sais que quand je lui demande quelque chose, elle ne vas pas juste me répondre. Elle vas probablement m’emmener ailleurs. Et cette dérive-là, non prévue, mais juste, ce sera peut-être ma prochaine sérendipité et c’est le rapport que j’entretiens à ce jour avec cette technologique fascinante.

III. La sérendipité à la travers l’histoire et les innovations

On va ici brasser large. Et pour commencer, petit exercice réflexif de projection : imaginons la chose suivante. Et si l’apparition de l’être humain n’était, en elle-même, une forme de sérendipité ? Une sérendipité cosmique ? L’univers n’avait pas de plan pour nous. Aucun projet humain n’était gravé dans les lois de la physique. Juste des atomes, du chaos, des probabilités, des chaînes d’événements. La vie est apparue “par hasard”, dans des conditions très particulières — bonnes au bon moment —, peut-être rares, peut-être pas. Et l’évolution biologique est elle-même remplie de bifurcations inattendues, de mutations accidentelles, d’espèces qui s’adaptent par erreur. L’homme, tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’est pas le sommet planifié de quoi que ce soit. Il est le fruit de dérives génétiques, d’accidents de l’histoire naturelle, d’un équilibre fragile devenu fécond.

D’une certaine manière, donc, nous serions la sérendipité de la matière. Des êtres conscients, pensants, curieux, émergés d’un univers… qui ne pensait pas. Je tiens à ce “d’une certaine manière”, car il est essentiel. Non, l’émergence de l’homme n’est pas la première sérendipité, si l’on prend le mot dans son sens classique. Mais elle y ressemble étrangement, vue depuis notre point de vue humain. Un peu comme si nous étions la découverte accidentelle d’un processus aveugle, et — ironie ultime — les seuls à pouvoir nous en émerveiller. Par contre entre cette proposition et la sérendipité dite moderne, l’histoire est parsemée de découvertes fortuites et surprenantes. Une sérendipité où les planètes se sont alignées plus d’une fois… Voici une petite sélection dans plusieurs domaines :

🧪Dans le domaine des sciences et de la médecine

Il s’agit là sans doute du terrain le plus évident puisque de nombreuses découvertes sont issues d’un hasard, d’un oubli, d’une erreur…

  • La pénicilline est un exemple notable puisqu’Alexandre Fleming, en 1928, ne s’y attendait vraiment pas. Ici, on a le hasard lié à l’oubli puisqu’il avait laissé traîner une boîte de Petri contenant une culture de staphylocoques. À son retour, il remarqua qu’un champignon — le Penicillium notatum — s’était développé, empêchant les bactéries de proliférer autour. Ce qu’un autre aurait peut-être jeté comme une expérience contaminée, Fleming l’a regardé autrement. Il y a vu une piste. Le hasard a mis la scène en place, mais c’est l’attention qui a déclenché la découverte.
  • Les rayons X, découverts en 1895 par Wilhelm Röntgen, sont nés d’un phénomène presque invisible. Alors qu’il travaillait sur les tubes cathodiques, il observa qu’une plaque photographique, posée à distance et protégée de la lumière, se noircissait sans contact apparent. En expérimentant, il réalisa qu’un type de rayon, invisible à l’œil nu, traversait certaines matières. Il les appela “X” faute de mieux, comme pour dire “inconnu”. Ici, une anomalie inexplicable devient une fenêtre ouverte sur l’invisible.
  • Les micro-ondes, quant à elles, furent découvertes un peu plus tard, par Percy Spencer, ingénieur chez Raytheon, dans les années 1940. En testant un magnétron — un composant d’un radar — il remarqua qu’une barre de chocolat fondait dans sa poche lorsqu’il s’en approchait. Intrigué, il décida de placer du maïs à éclater, puis un œuf… avec des résultats spectaculaires. C’est ainsi qu’est née l’idée d’utiliser les ondes pour chauffer les aliments. Une simple réaction inattendue du corps à une machine devient la première étincelle de ce qui deviendra un objet du quotidien.
  • Le Téflon. Découvert par Roy Plunkett en 1938, un chimiste chez DuPont, qui travaillait sur des gaz réfrigérants. Un jour, il ouvre un cylindre de gaz censé contenir du tétrafluoroéthylène… mais rien ne sort. Intrigué, il le découpe et découvre qu’à l’intérieur s’est formée une poudre blanche solide : un polymère totalement inattendu. Résistant à la chaleur, aux produits chimiques et à l’eau. Ce polymère deviendra plus tard le Téflon, utilisé aussi bien pour les poêles antiadhésives que dans l’industrie aérospatiale.

La sérendipité dans le domaine scientifique est avant tout liée à un faisceau d’imprécisions, de décisions secondaires, de gestes non planifiées — mais aussi d’actions incomplètes, de priorités négligées, d’expériences interrompues, d’outils mal calibrés… Et pourtant, quand la découverte surgit, elle semble, avec le recul, tenir sur un équilibre d’une rigueur presque absolue. Comme si tous les éléments “mal rangés” de l’expérience s’étaient alignés pour former une vérité inattendue. On croit à une erreur… et on tombe sur un principe. On laisse traîner une boîte de Petri… et on invente l’antibiotique. Ce domaine me donne l’impression d’un hasard presque mystique, alchimique, comme si l’homme avait passé une épreuve divine à son insu —
et que la vérité s’était offerte à lui non pas parce qu’il l’avait maîtrisée, mais parce qu’il avait su l’accueillir. Ce ne sont pas les outils seuls, ni les calculs parfaits, qui font la découverte. Parfois, c’est l’imperfection elle-même qui ouvre le passage. Et puis, en creux, il y a cette pensée troublante et dérangeante : combien de découvertes n’ont jamais eu lieu, simplement parce qu’un hasard n’a pas surgi ? Parce qu’un chercheur a nettoyé sa paillasse trop tôt. Parce qu’une anomalie n’a pas été notée ou qu’un raté a été écarté au lieu d’être interrogé. Vertigineux, non ?

🗺️Dans le domaine de la découverte géographique

  • L’exemple type est celui de cher Christophe Colomb et sa découverte des In… des Amériques. Tout le monde le sait, mais ça reste une des plus grandes erreurs productives de l’Histoire. Vers 1492, quand il pensait se diriger vers les Indes, En arrivant sur les îles des Caraïbes, il pensait avoir atteint l’Asie. Il mourra sans jamais savoir qu’il avait mis le pied sur un continent inconnu des Européens.
  • L’Australie « découverte » par accident (1606–1770) : bien avant James Cook, plusieurs navigateurs néerlandais, dont Willem Janszoon, accostent par hasard sur les côtes nord de ce qui deviendra l’Australie. Mais à l’époque, ils pensent avoir simplement atteint une extension méconnue de la Nouvelle-Guinée. Même Cook, lorsqu’il explore la côte est en 1770, ne réalise pas immédiatement l’ampleur de sa découverte : il cartographie une région encore floue du Pacifique, mais sans imaginer qu’il s’agit d’un continent à part entière.

La sérendipité géographique ne me renvoie pas uniquement aux navigateurs ou aux cartographes d’autrefois. Elle me parle aussi dans ma pratique vidéoludique, quand je suis plongé dans un monde vaste, ouvert, inconnu. Dans ces jeux aux cartes immenses — où l’on peut aller “où l’on veut” — je ressens souvent cette douce angoisse du choix géographique. Aller à gauche, c’est dire non, pour un temps, à ce qu’il y avait à droite.
Et peut-être qu’à droite, il y avait un panorama saisissant, un trésor caché, une rencontre que je ne vivrai jamais. Ce sentiment, profondément lié au jeu, est une forme de sérendipité contrariée. J’avance, je découvre, mais je sais que chaque découverte en ferme une autre. Et c’est ce qui la rend précieuse… voire unique.

🎨 Dans le domaine de la création artistique et de l’écriture

  • Flaubert et Madame Bovary. Flaubert n’avait pas prévu d’écrire un roman aussi central sur l’ennui conjugal. C’est en explorant une chronique judiciaire (celle d’un procès pour adultère) qu’il découvre un écho personnel inattendu. Et Emma Bovary, au départ simple sujet, devient un miroir troublant, presque indépendant de son auteur.
  • Le personnage de Jesse Pinkman dans Breaking Bad Initialement, Jesse devait mourir à la fin de la première saison. Mais la justesse du jeu d’Aaron Paul, et l’alchimie involontaire avec Bryan Cranston, ont bouleversé les plans. Résultat : Jesse devient l’un des personnages les plus complexes et émouvants de la série — totalement imprévu.
  • “Smells Like Teen Spirit” de Nirvana. Le riff de la chanson a été improvisé par jeu, en répétition. Kurt Cobain voulait “écrire un truc qui sonne comme les Pixies”, sans prétention. Le titre est né du hasard d’un graffiti sur un mur : une amie avait écrit “Kurt smells like Teen Spirit” (nom d’un déodorant pour ado). Il croyait que c’était une blague politique. Tout est accidentel.
Image : Jackson Pollock, No. 5, 1948. Source : jackson-pollock.org

Que remarque-t-on dans ces quelques exemples liées au processus créatif ? Que, contrairement aux deux premiers domaines, le monde de la création semble intégrer activement l’idée de sérendipité. Le créatif cherche ainsi activement à provoquer l’inattendu. Il rature pour faire surgir. Il improvise pour déborder. Il laisse des blancs, des manques, des accidents, et les écoute. Dans la création, le non-maîtrisé est parfois plus précieux que le prévu. Certains styles artistiques en ont même fait un principe :

  • L’improvisation musicale, dans le jazz surtout, où l’on cherche le moment de bascule entre contrôle et surprise. C’est, quand j’y réfléchis, la sérendipité absolue, et le fait que j’y pense en écrivant ce sujet en est la preuve, je ne l’avais pas prévu. Ainsi, les musiciens joue dans l’instant, en réaction avec les autres, à l’ambiance, à l’énergie. il y a une recherche de grâce dans le déséquilibre, de la justesse dans l’imprévu. Pourquoi c’est sérendipitique ? Parce que chaque solo est une exploration. Une phrase naît par accident, une note dérape, une dissonance s’impose — et devient le cœur du morceau. Le jazzman ne recule pas devant l’inattendu : il l’accueille et le transforme. « Il n’y a pas de mauvaise note… si tu sais ce que tu fais ensuite. », j’aime bien cette citation du musicien Thelonious Monk.
  • L’action painting qui repose sur le geste brut, incontrôlé. On retient surtout Jackson Pollock sur ce disciplines. Ce style de peinture part du principe que le geste est plus important que le résultat. Plutôt que de peindre un sujet, l’artiste “agit” sur la toile, souvent au sol, en laissant couler, éclabousser ou projeter la peinture. Pourquoi c’est sérendipitique ? Parce que l’artiste ne sait pas ce qu’il va trouver : il laisse le hasard du geste tracer une forme, un rythme, une énergie.
  • L’instant décisif en photographie avec Henri Cartier-Bresson). L’idée est, qu’en photographique, il existe un moment exact où la composition, le mouvement, et le sens se rejoignent. Il ne faut ni déclencher trop tôt, ni trop tard — il faut être là, à l’instant juste, prêt à capturer ce que l’on ne contrôle pas. Sa méthode : il attendait, guettait, et cliquait au moment exact où la scène révélait son équilibre imprévu. Pourquoi c’est sérendipitique ? Parce qu’il ne mettait rien en scène. Il captait ce que le monde offrait, mais avec un regard ultra affûté pour saisir la seconde où tout faisait sens.
  • Et, enfin, l’écriture automatique, courant surréaliste, qui vise à court-circuiter la volonté consciente. Écrire sans réfléchir, sans logique consciente, sans structure préconçue. Laisser les mots venir d’eux-mêmes, comme s’ils coulaient directement de l’inconscient. Les deux figures-clés de ce style sont André Breton et Philippe Soupault. Ils posent la plume, et laissent courir les phrases, sans les censurer. Ce qui sort est souvent étrange, poétique, dérangeant. Pourquoi c’est sérendipitique ? Parce que l’auteur n’est plus maître du message. Il devient un canal. Et parfois, surgissent des phrases ou images impossibles à concevoir volontairement.

🍽️ Dans le domaine culinaire : le goût de l’imprévu

Il existe aussi une forme de sérendipité gustative. Une cuisine née d’un oubli, d’un accident ou d’un geste improvisé — et qui a finit par séduire le palais de générations entières. Ces plats que l’on croyait ratés… et qui deviennent mythiques.

  • Le roquefort, par exemple, serait né du fromage oublié dans une grotte humide. Le penicillium roqueforti y a trouvé un terrain parfait pour se développer, donnant naissance à ce bleu à la fois puissant et raffiné.
  • La tarte Tatin, selon la légende, serait le fruit d’une maladresse des sœurs Tatin qui auraient enfourné leur dessert à l’envers. Le caramel a pris, les pommes ont confit, et le résultat est devenu un classique.
  • Le popsicle (esquimau glacé sur bâton) aurait été inventé par un enfant de 11 ans, Frank Epperson, qui aurait oublié un verre de soda avec une cuillère dans le froid. Le liquide a gelé… et l’idée du bâtonnet glacé est née.
  • Les chips, elles, seraient nées d’un caprice client : un homme trouvait ses pommes de terre trop épaisses. Le chef, exaspéré, les a tranchées ultra-fines, frites jusqu’à craquer… et le client a adoré.
  • Les corn flakes, quant à eux, sont le résultat d’une cuisson ratée de céréales par les frères Kellogg, dans leur quête d’aliments sains. Le mélange, resté trop longtemps à l’air, a séché… et s’est transformé en flocons croustillants.

IV. La disponibilité choisie… dans une réflexion personnelle qui va à deux cents à l’heure

La sérendipité n’est pas seulement un événement : c’est une disposition mentale où l’on accepte de chercher autre chose, de ne pas conclure trop vite, de laisser de l’espace. Et c’est peut-être là où je pêche un peu dans le sens où ma patience est finalement plus limitée que je le souhaiterais. Pas au sens méditatif, contemplatif, détaché. J’aimerais l’être, parfois. Mais non. Je suis fait d’élan. D’une curiosité gourmande, presque vorace. J’avance d’idée en idée comme un enfant dans un magasin de jouets : enthousiaste, avide, désorganisé, ébloui. Et chaque nouvelle découverte — même par accident — est un petit vertige : « oh, je ne connaissais pas ça. C’est fascinant. » C’est dans ces instants que je me réconcilie avec l’humanité, malgré tout.

Je veux apprendre, comprendre, traverser les concepts, les relier, les bousculer…. et j’ai souvent l’impression qu’il n’y a pas assez de temps pour tout explorer. Et cette boulimie d’idées à un prix : le syndrome FOMO intellectuel ; ce qui peut me desservir. Alors forcément, la sérendipité, chez moi, elle ne se loge pas dans la lenteur pure. Elle se faufile dans la vitesse — ou plutôt dans un ralentissement ponctuel, choisi, volontaire. Quand je décide de ne pas passer à la suite. Quand je m’autorise à rester, à laisser infuser, à ne pas tout de suite formuler. Peut-être que c’est ça, pour moi, la disponibilité : non pas l’oisiveté… mais l’ouverture au surgissement, même au cœur du mouvement. Mais je ne cache pas que c’est fatiguant, un épuisement joyeux celant étant. Alors quand, déconnecté de ma quête incessante, je me permets vraiment de m’offrir un lâcher-prise réel… ça fait vraiment du bien.


Charte de transparence IA

🧠 Idée : 100 % humaine (50 % grâce à mon père)

📁 Structure : Déroulement du concept (du conte à son impact dans notre monde humain) + ressenti et mon rapport face à la sérendipité

✍️ Rédaction : humaine, avec ajustements éventuels IA

🎨 Illustrations : générées à 90 % par IA (exception : le tableau de Jackson Pollock)

Intervention globale de l’IA estimée : 50 %


En savoir plus sur LE REDACTEUR MODERNE

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

5 réponses à « Sérendipité : l’art de trouver sans chercher »

  1. Avatar de kaika

    voici un mot intéressant. Pas facile à prononcer pour moi, des syllabes se font souvent la malle mais enfin une définition à un mot déjà entendu mais jamais vraiment défini (par manque de volonté de ma part).

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Gael Barzin

      Bonjour. J’étais un peu pareil, je vérifiais l’orthographe toutes les cinq minutes ;). Partir du nom géographique de « Serendip » permet déjà de simplifier un peu le mot. C’est quoi, à vous, votre rapport à la sérendipité ? Cordialement.

      J’aime

      1. Avatar de kaika

        Si j’ai bien compris la définition, pour moi, je l’associe à mes découvertes soit lors d’une navigation sur le net (Insta, (avant FB), mastodon etc, WordPress), des films, des livres, des discussions. Un mot, un événement lors d’une discussion et je pars à la recherche de sa signification. Ou alors lors de mes voyages, un animal, un sumbole que je ne connais pas.

        Parfois, ma curiosité s’arrete là, parfois, je vais plus loin.

        J’aime

  2. Avatar de La subjectivité de l’extrémisme : entre norme, perception et évolution – LE REDACTEUR MODERNE

    […] déjà envie d’explorer la notion d’« extrême », me sentant pleinement concerné. Et, par sérendipité, un ami m’a parlé de la « fenêtre d’Overton » quelques jours avant que je me plonge dans ce […]

    J’aime

  3. Avatar de Trop de culture tue-t-elle la culture ? – LE REDACTEUR MODERNE

    […] existe encore — l’ami curieux qui nous fait découvrir une pépite oubliée — mais le sérendipité a assurément de plus en plus de mal à exister avec un flux quasi infini. Il ne s’agit […]

    J’aime

Répondre à kaika Annuler la réponse.

QUI SUIS-JE ?

Portrait manga de Gaël Barzin

Le Rédacteur Moderne est une proposition simple — presque artisanale — née d’un besoin personnel : mettre des mots sur l’absurde, gratter le vernis du monde, et tenter de comprendre un peu mieux ce qui nous traverse.

J’y partage, sans prétention mais avec sincérité, des essais critiques, des fictions d’anticipation, et des réflexions sur l’éthique, la conscience, les tensions de notre époque.

J’explore les tensions entre lenteur et modernité, en mobilisant à la fois la pensée humaine et les outils technologiques contemporains — notamment l’intelligence artificielle, qui m’accompagne comme sparring-partner intellectuel.

Si ces fragments de pensée peuvent résonner avec d’autres, tant mieux. Sinon, ils m’auront au moins permis de rester un peu plus vivant.

— Gaël Barzin

🧠 Rédacteur augmenté
📚 Chemins de lecture